Topaze

Spectacle monté en 2001 avec la cie Le Théâtre au Lion d’Or. Le thème dramaturgique abordé fut l’animalité de l’être humain.

Contenu artistique

L’Histoire

La pièce de Marcel Pagnol, baptisée en premier lieu « La Belle et la Bête », est une fable immorale et intemporelle. Topaze, notre héros, instituteur à la pension Muche, est un homme droit. Il a la foi et défend ses valeurs avec conviction, voire avec fanatisme. C’est une sorte de Don Quichotte, inadapté aux réalités de son époque… Un jour la cruelle réalité le rattrape, tout son monde vole en éclat. Il entre dans le milieu des affaires. Seul avec son espoir, il est un agneau dans la cage aux loups. Topaze se fait dévorer tout cru. Dès lors que la passion l’a englouti, que l’espoir a disparu, il ne reste plus rien de lui. Il cède alors à ses instincts et devient loup, assoiffé de pouvoir. La proie est devenue prédateur. A présent, il est un homme d’affaires véreux. Le rideau tombe sur un nouvel agneau, Tamise. Fera-t-il le même choix que Topaze ? La question reste en suspend. C’est au public de décider.

La Mise en scène

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Dramaturgie

La pièce nous donne à voir deux mondes symboliques, opposés l’un à l’autre. Dans le premier, la morale guide les actes, la vertu dicte les lois. Il représente la quête de la sagesse, l’aspiration à l’humanité. Le deuxième est immoral, les hommes obéissent à la loi du plus fort et se laissent guider par leurs vices, leurs passions. Il représente l’homme primitif dans ce qu’il a de plus bestial. Regarder ces deux mondes, c’est regarder en nous pour y voir l’homme et la bête. Choisir qui sera le maître face à son désir, c’est dire ce que l’on ne veut pas être, c’est avoir une conscience morale. La construction de la pièce obéit à des lois récurrentes et souligne l’aspect éternel du conflit. Topaze dénonce une mécanique bestiale qui se met en marche, le héros est d’abord le faible et le trompé puis devient le fort et le trompeur. La pièce s’achève sur Tamise pensif, un pied dans chaque monde. Il nous reste le doute.

Photo : Muche et la Baronne (Jean Marc Lallement et Christelle Pontié)

Direction d’acteur

En grec drame signifie action, au théâtre le conflit génère l’acte dramatique. La dramaturgie guidera nos pas lors des répétitions. Nous nous inspirerons des animaux (mouvement, voix, apparence, symbolisme) pour mettre en relief une combinaison fondamentale, celle qui associe la bête et l’homme. Le corps sera le lieu des contradictions entre discours et comportement. Ce décalage soulignera l’aspect bestial des personnages.

La Scénographie

L’instituteur vit une aventure qui va modifier le cours de sa vie. Sur scène nous verrons s’enchaîner les lieux qui jalonnent son parcours. Chacun d’eux sera marqué par le changement avec cependant une architecture semblable. Ainsi nous serons à la fois ailleurs mais toujours avec lui. L’argent sera toujours présent sur scène comme il l’est dans l’esprit du héros.

Premier acte : Une salle de classe à la pension Muche. La classe est un lieu sacré pour Topaze comme pour Marcel Pagnol. Elle est organisée comme lieu de prédications, notre instituteur y donne une leçon de morale. Dans cet espace clos sont exposées des valeurs ancestrales sous forme de fresques. Dessins d’enfants sur lesquels l’argent est diabolisé. La chaire est plus que jamais la place sacrée, la place des anciens. Surélevée, elle est l’intermédiaire entre le ciel et la terre. L’actualisation va garder l’idée d’une école avec une technologie de pointe. En 1928 c’était l’électricité, en 2000 c’est l’informatique. Les élèves ont des pupitres/ordinateurs, le papier et l’encre sont remplacés par l’écran et le clavier.

Deuxième acte : Un boudoir très moderne chez Suzy Courtois. Le salon de Mme Suzy Courtois est cousu de fil d’or, tout l’espace porte la marque de l’argent. Qui dit boudoir dit volupté, érotisme, exaltation des sens. Nous sommes dans le lieu du désir, de la tentation, celui de l’apologie du vice, de l’adoration du veau d’or.

Troisième et Quatrième actes : Un bureau moderne tout neuf. Enfin le bureau est organisé à l’image de la classe, seuls les meubles changent, le pouvoir reste à la même place. L’argent, cette fois, est caché aux yeux du monde, il est suggéré par un coffre fort qui grossit au fil du temps. Dans l’acte 3 Topaze n’est qu’une marionnette, un élément du décor, un pion dans le jeu. Dans l’acte 4 les rôles se renversent, il est le maître des lieux, du jeu et mène la danse. Corrompu comme les autres, il entre dans la cour des « grands ».

Note d’intention de la compagnie (Le Théâtre au Lion d’Or)

Ces dernières années les médias ont dévoilé de nombreuses affaires de corruption touchant tant les milieux politiques, qu’affairistes. Au hasard de nos lectures, nous avons redécouvert Topaze de Marcel Pagnol. Ce texte de 1928 résonna étrangement avec notre actualité. Voici une parole que nous voulons faire entendre parce qu’elle correspond à nos préoccupations sociales, politique (du grec polis), philosophiques, et artistiques. « C’est une pièce sur l’argent, qui est le sujet du moment ; c’est une pièce satirique, qui met à mal les politiciens, et cela encore est tout à fait dans le goût du jour. Mais surtout, c’est une pièce bien faite, de joyeuse humeur, où l’âpreté est, si l’on peut dire, atténuée par l’outrance caricaturale et où le rire désarme la méchanceté. » La Petite Illustration 1930 Les didascalies en début de pièce, « L’action se passe de nos jours dans une grande ville », ont éveillé en nous le désir de l’actualiser. Avec l’accord des ayant droits, nous en ferons une fable se déroulant aujourd’hui pour correspondre aux réalités de notre public.

Note d’intention de l’auteur (Marcel Pagnol)

« PENDANT MON SEJOUR A PARIS, J’AVAIS RENCONTRE, AU HASARD DES BRASSERIES OU DES REPETITIONS GENERALES, DES HOMMES D’AFFAIRES, DES COURTIERS, DES POLITICIENS, DES « AGENTS IMMOBILIERS », DONT LES PROCEDES, ME DISAIT-ON, N’ETAIENT PAS TOUT A FAIT CATHOLIQUES. UNE NUIT, DANS UN TRAIN, EN REVENANT DE MARSEILLE, JE PENSAIS DONC QUE J’ALLAIS RETROUVER A PARIS BIEN DES GENS QUI NE VALAIENT PAS MES INSTITUTEURS, ET QUE SI MON PERE N’AVAIT PAS ETE PARALYSE PAR SON IDEAL, PAR SES PRINCIPES, PAR SON RESPECT DES AUTRES, IL AURAIT PU REUSSIR AUSSI BIEN QU’EUX :

IL EST PLUS FACILE DE FAIRE DES AFFAIRES QUE DES HOMMES.

C’EST ALORS QUE J’EUS L’IDEE D’ECRIRE UN JOUR UNE PIECE DE THEATRE OU L’ON VERRAIT UN HOMME PUR ENTRAINE – SANS RIEN Y COMPRENDRE – DANS DE LOUCHES COMBINAISONS.

IL FALLAIT CEPENDANT UNE EXCUSE A SA NAÏVETE, POUR QU’ELLE NE PARUT PAS EXAGEREE. JE PENSAIS AUSSITOT A L’AMOUR, QUI REND SOUVENT STUPIDES DES GENS TRES INTELLIGENTS… ENFIN, LORSQU’IL DECOUVRIRAIT – AVEC UNE GRANDE AMERTUME – LA TOUTE-PUISSANCE DE L’ARGENT, IL SE REVOLTERAIT ; PUIS, DEJA CONTAMINE LUI-MEME, IL ACCEPTERAIT LES NOUVELLES REGLES DU JEU.»